
Didier Polin est médecin du sport. Après avoir évolué dans le hockey sur glace, il est devenu médecin de l’Équipe de France d’athlétisme. Il a quitté ses fonctions après les Jeux Olympiques de Sydney et depuis il s’est notamment occupé du Diplôme Universitaire de la Promotion de la Santé par les Activités Physiques, Sportives et Artistiques (APSA) à l’UFR STAPS ROUEN, visant à permettre une meilleure coopération interprofessionnelle entre les professionnels du sport et ceux de la santé. Il était donc la personne idoine pour répondre aux questions de Votre Coach.
Il convient dans un premier temps de rappeler qu’une hormone veut dire activer (du grec), mettre en mouvement, stimuler. Elles sont produites par des glandes de l’organisme (thyroïde, ovaires, testicules, surrénales, hypophyse…) ou la partie glandulaire d’un organe (pancréas, cœur, rein…) aussi bien au repos qu’au cours de l’activité. Cette production va varier au cours de la journée, autour d’une valeur de base, respectant l’alternance veille/sommeil. Certaines seront plus réparatrices comme l’hormone de croissance qui aura un pic vers minuit. D’autres auront un rôle plus activateur comme le cortisol dont la valeur de référence est à 8h le matin. Ainsi, toutes les hormones seront influencées par l’activité physique et le sport : leur production variera en fonction de l’activité, de son type, de sa durée, de sa fréquence. Il y aura donc un taux de base au repos (référence), puis des valeurs qui pourront être multipliées par dix à la fin d’un effort intense ou prolongé.
Elles interviennent tout au long de la vie sur les grandes fonctions. Elles influencent ainsi la croissance, la sexualité, la reproduction, le fonctionnement global de l’organisme, l’humeur, le sommeil… Elles ont un rôle dans l’adaptation de l’organisme et dans le maintien de l’équilibre intérieur, en particulier de la glycémie (taux de sucre dans le sang). Ce ne sont ni plus ni moins des messagers chimiques libérés dans le sang pour permettre des modifications (à long terme) ou des adaptations (à plus court terme) physiques, physiologiques, mais aussi comportementales. Celles dont on a le plus parlé, ou les plus célèbres au niveau du sport et de l’activité physique, sont le cortisol, l’hormone de croissance (GH pour les anglo-saxons), l’EPO (érythropoïétine), la testostérone…
C’est un vaste sujet, complexe par la multiplicité des actions possibles de chaque hormone et leur interaction. Elles vont avoir des effets immédiats au moment du déclenchement du pic de sécrétion mais aussi retardés plusieurs heures après l’arrêt de l’effort avant de retrouver un taux de base (de repos). Nous l’avons évoqué, certaines seront plus réparatrices (hormone de croissance, testostérone). D’autres, comme le cortisol, joueront à la fois un rôle anti-inflammatoire, de stimulation psychique et de contrôle de l’immunité (défense de l’organisme). L’EPO augmente le nombre de globules rouges. L’insuline permet le contrôle du taux de sucre circulant dans le sang et facilite la pénétration des lipides (acides gras libres) ou des acides aminés (base des protéines) dans les cellules en général et dans le muscle en particulier. La testostérone, « hormone mâle » aussi secrétée mais en moindre quantité chez les femmes, joue un rôle dans l’agressivité.
En réalité, nous en parlions en introduction, elles participent au maintien de l’équilibre de l’organisme. Elles permettent une réaction puis une adaptation de l’organisme à des stimulations plus ou moins stressantes, elles facilitent la consommation énergétique et sa régulation au cours de l’effort en fonction des réserves disponibles et réorganisent la distribution du sang dans les organes pendant l’effort (moins pour le système digestif, plus pour le système musculaire et cardiaque).
Leur sécrétion peut aussi bien augmenter pour un 100m que pour un marathon. C’est le maintien du taux qui va varier en fonction de la durée et de l’intensité de l’effort et aussi de l’entraînement. Un marathonien entraîné va avoir des mises en action hormonales plus rapides, plus adaptées, plus économiques sur le plan métabolique. L’utilisation des lipides comme « carburant » se fera plus rapidement et une économie des sucres de réserves (glycogène) permettra de retarder les principaux signes de fatigue.
Les endorphines, proches sur le plan biochimique de la morphine, sont apaisantes, relaxantes, antalgiques. Elles peuvent être multipliées par 10 ou 15 à l’arrivée d’un marathon. Elles peuvent en effet finir par entraîner une véritable dépendance. Elles sont aussi secrétées de façon importante chez le sprinter mais éliminée beaucoup plus rapidement tant la durée de l’effort est courte.
L’entraînement, et c’est sa finalité, permet par la répétition des stimulations, d’améliorer le niveau du sportif. Le taux d’hormone au repos du sportif du dimanche, du sportif de niveau international et du non sportif (non malade) sera toujours environ le même. C’est la rapidité de réaction, le pic de sécrétion, la force de modulation qui vont changer à l’effort grâce à l’entraînement. Et pas seulement le taux d’hormones lui-même mais aussi ce qui est plus difficile à mesurer, le nombre de récepteurs des hormones concernées sur les organes cibles et aussi la capacité de ces récepteurs à améliorer la transmission du message.
Oui, indirectement, comme nous l’avons évoqué avec les endorphines et la sensation de plaisir. Le sportif va éprouver le besoin de recourir ou de se dépenser, de transpirer car une sensation de bien-être (mieux-être) apparaît. Les phénomènes de la dépendance sont complexes, ils sont liés à l’habitude, aux rencontres (partenaires d’entraînement, entraîneur), à l’évasion (du contexte familial ou professionnel, changement de vie), mais aussi de modifications physiques (perte de poids, prise de muscle, transformation de la silhouette), du rapport entre objectifs sportifs et résultats obtenus… et bien sûr aux effets des hormones qui accompagnent et induisent ces changements…